EXTRAPOLER LORS D’UN DIAGNOSTIC : une méthode fiable ?

Dans le domaine du diagnostic immobilier, il n’est pas rare de recourir à l’extrapolation : faute de pouvoir examiner chaque élément d’un bâti, le professionnel tire des conclusions à partir d’indices partiels. Mais cette méthode est-elle toujours fiable ? Un récent litige illustre les limites de l’extrapolation et les précautions à prendre pour minimiser les risques de contentieux.

Face à un immeuble bâti, le diagnostiqueur supposera souvent que gros œuvre et second œuvre (toiture, isolation) datent de la même époque, et présumera donc qu’ils sont tous de même nature (bref, que le bâti est « homogène »).
Exemple : apercevant la présence de « laine de roche » après démontage d’une prise électrique, l’opérateur extrapolera l’isolation à l’ensemble des murs (comme s’il avait pu vérifier sa présence sur chacun d’entre eux).
Problème pratique : sans indication contraire reçue du donneur d’ordre, et sans indice apparent (rénovation, etc.), rien ne permet de deviner que l’existant a été modifié au fil du temps, et parfois au gré de l’humeur du propriétaire.
Or l’extrapolation n’est pas toujours sans risques pour l’opérateur (qui a trop souvent tendance à agir ainsi sans mesurer le danger d’une telle méthode). En effet, des travaux ont pu intervenir dans un passé plus ou moins récent, qui impactent forcément l’existant (ex. isolation partielle d’un mur). Ces travaux permettent d’ailleurs à leur auteur d’en savoir davantage sur le bien (présence de matériaux amiantés, d’agents de dégradation du bois).
Il est donc très utile que le diagnostiqueur puisse interroger son donneur d’ordre – idéalement avant examen du site – pour savoir si des travaux ont eu lieu, et, dans l’affirmative, que soient précisés leur nature, leur date et leur emplacement. Les factures et pièces présentées à l’opérateur (travaux, traitements, etc.) devront être soigneusement copiées ou photographiées par lui.
Un récent litige illustre les dangers de l’extrapolation (CA RENNES, 11 juin 2024 : n° 21/04975) dans le cadre d’un DPE (sachant que cette méthode peut concerner bien d’autres types de diagnostic : amiante, etc.).
Vente d’une maison précédée d’un DPE annonçant une isolation intérieure de 7 cm sur l’ensemble des murs donnant sur l’extérieur (soit une surface globale de 160 m²). Après son emménagement, l’acquéreur découvre que l’isolation visée au DPE ne correspond pas à la réalité, puisque la façade Nord n’est pas isolée. Aussi va-t-il exiger du diagnostiqueur la prise en charge des frais d’isolation de la totalité des murs (mais aussi des travaux intérieurs qui en découleront !). Le professionnel se défend de toute faute : selon lui, deux prises électriques ayant été déposées pour vérifier l’isolation des murs, l’extrapolation n’est pas critiquable.
Après expertise judiciaire, procès (d’une durée totale de 5 années), à l’issue duquel une faute est retenue à l’encontre du diagnostiqueur. Par sa logique, l’analyse des juges permet de renforcer la prévention des sinistres.
En effet, selon eux :
le DPE n’a (certes) pas pour objet l’audit des éléments constitutifs du bâti, notamment un descriptif « scientifique » de toute l’isolation existante, si le technicien ne peut évidemment pas vérifier la surface réellement isolée, il doit en revanche « effectuer un point de contrôle sur chaque mur », via notamment le démontage d’une prise électrique, opération non destructive.
Comme on le voit, le DPE n’autorise qu’un emploi modéré de l’extrapolation, si l’on veut que les données d’entrée puissent être validées en cas de litige.
Cependant, happy end pour le diagnostiqueur et son assureur : selon les juges, cette faute n’a produit aucune conséquence dommageable (ici à tout le moins !). Aussi, l’acquéreur a été finalement débouté de sa demande d’indemnisation.
Ce qui démontre d’ailleurs, une fois de plus, que le diagnostiqueur ne doit jamais prendre position sur la faute et la responsabilité, à tout le moins avant que l’assureur n’ait été saisi du sinistre, et/ou qu’un avocat spécialisé ait pu analyser le sinistre « supposé », mais aussi (surtout) la suite qu’il convient d’y apporter (réponse au plaignant, retour sur site, etc.).
En effet, comment espérer défendre efficacement un diagnostiqueur ayant reconnu une faute et/ ou un « loupé » ?