Damien Jost

Avocat spécialisé dans la défense des diagnostiqueurs loi Carrez

Le contentieux loi Carrez constitue une source récurrente et significative de mise en cause judiciaire des diagnostiqueurs immobiliers. Les enjeux financiers liés aux erreurs de mesurage, la complexité technique des critères de calcul de la superficie privative et la rigueur de la jurisprudence en matière d’obligation de résultat exposent régulièrement les diagnostiqueurs loi Carrez à des assignations devant les juridictions civiles.

Depuis plus de vingt ans, j’accompagne les diagnostiqueurs et leurs assureurs dans la défense de leurs intérêts lorsqu’ils sont mis en cause dans le cadre de litiges portant sur le mesurage loi Carrez. Mon expérience approfondie du contentieux notarial, ma connaissance précise des mécanismes juridiques régissant la garantie de contenance et ma maîtrise des subtilités de l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 me permettent de construire des stratégies de défense efficaces, intégrant systématiquement l’analyse des responsabilités croisées et l’exploitation des failles procédurales.

Avocat diagnostiqueur loi Carrez : défense contentieux mesurage | Damien Jost

Le cadre juridique du mesurage loi Carrez : fondements et articulation normative

L'édifice législatif : de la garantie de contenance à la loi Carrez

Le régime juridique du mesurage des lots de copropriété articule le droit civil classique et les dispositions de la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996. Cette loi a introduit un nouvel article 46 au sein de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.

L'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 impose que toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat de vente d'un lot mentionne la superficie de la partie privative. La définition de cette superficie est précisée par l'article 4-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 modifié : superficie des planchers des locaux clos et couverts après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches, cages d'escalier, gaines et embrasures, avec une hauteur sous plafond supérieure ou égale à 1,80 mètre.

L'articulation avec l'article 1619 du Code civil

L'article 1619 du Code civil prévoit qu'aucune diminution du prix ne peut être réclamée si la différence de mesure est inférieure à un vingtième (5%). La jurisprudence a précisé que l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 constitue un régime spécial pour les lots de copropriété, avec deux particularités majeures : l'interdiction des clauses de renonciation à l'action en diminution du prix, et un délai de forclusion d'un an à compter de l'acte authentique.

Absence totale de mention

La nullité de l'acte peut être invoquée en cas d'absence de toute mention de superficie. L'acquéreur dispose d'un délai d'un mois à compter de l'acte authentique pour intenter cette action en nullité. La jurisprudence applique strictement cette règle.

Erreur supérieure à 5%

Si la superficie réelle est inférieure de plus de 5% à celle mentionnée dans l'acte, l'acquéreur peut demander une diminution du prix proportionnelle dans un délai d'un an. Ce délai de forclusion est absolu. Le vendeur ne bénéficie d'aucun recours en cas de superficie supérieure.

La nature de l'obligation du diagnostiqueur

Une obligation de résultat confirmée par la jurisprudence

La jurisprudence considère de manière constante que le diagnostiqueur est tenu d'une obligation de résultat en matière de mesurage loi Carrez. La responsabilité du diagnostiqueur est engagée par la simple constatation que la superficie mentionnée ne correspond pas à la superficie réelle. La faute est présumée et le diagnostiqueur ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère (force majeure ou fait du donneur d'ordre).

Les fondements jurisprudentiels

Dans un arrêt de la Cour d'appel de Pau du 10 juillet 2024, les magistrats ont affirmé que « ce diagnostiqueur engage sa responsabilité pour l'erreur de mesurage effectué, sans qu'il soit besoin de rechercher sa faute, la simple erreur matérielle ayant conduit à délivrer une attestation erronée suffit à engager sa responsabilité, l'obligation de ce professionnel étant, de jurisprudence constante, une obligation de résultat. »

Conséquence pour la défense : La stratégie ne peut reposer sur la démonstration de l'absence de faute. Elle doit s'articuler autour de la contestation de l'erreur alléguée, de la démonstration que l'écart est inférieur à 5%, ou de l'établissement d'une cause étrangère.

Les griefs fréquemment invoqués

Erreur de calcul global

Différence supérieure à 5% entre la surface mentionnée et la surface réelle, résultant d'approximations, d'erreurs de transcription ou d'applications incorrectes des déductions réglementaires.

Critère de hauteur

Application incorrecte du seuil de 1,80 mètre, particulièrement dans les pièces mansardées ou sous combles. Les juridictions examinent minutieusement la méthodologie employée.

Qualification d'espaces

Litiges sur la qualification de combles aménagés, mezzanines, vérandas fermées ou loggias transformées. La jurisprudence exige que les espaces soient clos et couverts.

Déductions réglementaires

Erreurs dans l'application des déductions pour embrasures, gaines, marches d'escalier et cloisons. L'omission de ces déductions génère des écarts substantiels.

Dépendances

Inclusion inappropriée de caves, garages ou lots inférieurs à 8 m², ou exclusion erronée d'espaces devant être comptabilisés.

Modifications du bien

Utilisation d'un ancien certificat sans vérification alors que le bien a fait l'objet de travaux modificatifs. Constitue une faute engageant la responsabilité.

Ma stratégie de défense dans le contentieux loi Carrez

Vérification de la recevabilité

Le délai de forclusion d'un an : L'article 46 institue un délai de forclusion d'un an à compter de l'acte authentique. Au-delà, l'acquéreur est irrecevable quelle que soit l'ampleur de l'erreur. La jurisprudence applique strictement cette règle pour assurer la sécurité juridique des transactions.

La qualité pour agir : Seul l'acquéreur mentionné dans l'acte authentique dispose de la qualité pour exercer l'action. Le nouvel acquéreur en cas de revente ne peut se prévaloir d'une erreur affectant la vente initiale.

Contestation technique de l'erreur

Expertise judiciaire : La désignation d'un expert judiciaire permet de faire vérifier par un tiers impartial la réalité de l'écart, la méthodologie employée et son amplitude. L'expertise constitue fréquemment un élément déterminant dans l'issue du litige.

Contestation méthodologique : Les contre-mesures effectuées par l'acquéreur ne bénéficient d'aucune présomption de validité. Le diagnostiqueur peut contester la méthodologie employée si elle ne respecte pas les critères réglementaires définis par le décret du 17 mars 1967.

Vérification du seuil de 5%

L'application du seuil de 5% s'effectue par rapport à la superficie mentionnée dans l'acte. Un écart de 4,9% demeure sans conséquence juridique. Pour un bien de 50 m² mentionné à l'acte, le seuil est de 2,5 m². Si la superficie réelle est de 47,6 m², l'écart de 2,4 m² reste inférieur au seuil.

Lorsque le seuil est dépassé, la diminution du prix se calcule proportionnellement : (prix de vente × superficie manquante) / superficie mentionnée dans l'acte. La vérification minutieuse de ce calcul s'impose, les erreurs étant fréquentes.

Démonstration d'une cause étrangère

Fait du donneur d'ordre : Impossibilité d'accéder à certaines parties ou informations erronées communiquées sur la configuration du bien. La preuve doit être rapportée par production d'échanges écrits ou de mentions explicites dans le rapport.

Limites de la mission : La jurisprudence a précisé que l'opérateur n'est pas tenu de procéder à l'analyse juridique du lot ni de vérifier le règlement de copropriété (Cass. civ. 3, 18 septembre 2013, n° 12-24.077).

Articulation des responsabilités : vendeur et diagnostiqueur

Le vendeur demeure débiteur principal

L'article 46 institue une garantie légale pesant exclusivement sur le vendeur. L'action de l'acquéreur doit être dirigée contre le vendeur. Le vendeur condamné dispose ensuite d'une action récursoire contre le diagnostiqueur sur le fondement de la responsabilité contractuelle, qui se prescrit par cinq ans.

La jurisprudence restrictive sur l'indemnisation du vendeur

Une jurisprudence constante de la Cour de cassation (arrêt du 12 juin 2014, n° 13-14.932) considère que la restitution d'une partie du prix ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable. Cette restitution ramène simplement le prix au montant dû pour la surface réelle. Pour obtenir indemnisation, le vendeur doit démontrer un préjudice distinct, ce qui s'avère particulièrement difficile.

Préjudice allégué Indemnisabilité Observations
Restitution du prix Non indemnisable Jurisprudence constante : ramène le prix au montant dû
Perte de chance Potentiellement Démonstration que la vente aurait pu se faire au même prix malgré la superficie réelle
Frais de défense Indemnisable Préjudice distinct reconnu

Les évolutions jurisprudentielles récentes

Consolidation de l'obligation de résultat

Les décisions récentes confirment cette qualification. L'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 10 juillet 2024 l'affirme sans ambiguïté. Cette consolidation impose une stratégie de défense orientée vers la contestation de l'existence de l'erreur ou l'établissement d'une cause étrangère, plutôt que vers la démonstration de l'absence de faute.

Extension des préjudices indemnisables

La Cour de cassation admet la réparation de préjudices connexes : surcoût bancaire résultant d'un prêt contracté pour un montant supérieur, surévaluation de la commission d'agence calculée sur le prix initial erroné. Cette extension accroît l'exposition financière du diagnostiqueur et justifie une vigilance sur les garanties d'assurance.

Approche préventive : sécurisation des certificats de mesurage

Au-delà de la défense contentieuse, je propose aux diagnostiqueurs un service de sécurisation juridique de leurs modèles de certificats loi Carrez. L'audit porte sur la clarté de la délimitation du périmètre de mission, la précision des mentions relatives aux parties non visitées, la traçabilité de la méthodologie employée, et la conformité réglementaire.

Mon expérience de plus de vingt ans dans la défense des diagnostiqueurs, combinée à ma connaissance du contentieux notarial, me permet d'élaborer des stratégies efficaces intégrant l'analyse des responsabilités croisées. La jurisprudence restrictive sur l'indemnisation du vendeur constitue un rempart protecteur significatif qu'il convient d'exploiter systématiquement dans les actions récursoires.

Diagnostiqueur immobilier ou assureur face à un litige amiante ? Contactez-moi.

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FAQ - Votre défense en contentieux loi Carrez

Quel est précisément le délai pour contester une erreur de mesurage loi Carrez ?

L’acquéreur dispose d’un délai de forclusion d’un an à compter de la signature de l’acte authentique de vente pour demander une diminution du prix en cas d’erreur de superficie supérieure à 5%. Ce délai est un délai de forclusion, ce qui signifie qu’il ne peut être ni suspendu ni interrompu sauf cas exceptionnels de force majeure. Au-delà d’un an, l’action est définitivement irrecevable, quelle que soit l’ampleur de l’erreur constatée. Il est important de noter que ce délai court à compter de l’acte authentique et non du compromis de vente ou de la promesse.

Un diagnostiqueur peut-il être condamné pour une erreur de mesurage inférieure au seuil de 5% ?

Non, le mécanisme de la loi Carrez ne s’applique que si l’erreur de superficie est supérieure à un vingtième (5%) de la surface mentionnée dans l’acte. Une erreur de 4,9% ne donne lieu à aucune diminution du prix sur le fondement de l’article 46 de la loi de 1965 et ne peut donc pas fonder une action en responsabilité contre le diagnostiqueur sur ce fondement spécifique. Toutefois, il convient de noter qu’une erreur inférieure à 5% pourrait théoriquement donner lieu à une action sur un autre fondement juridique si l’acquéreur démontre que cette erreur lui a causé un préjudice particulier, bien que cette hypothèse demeure exceptionnelle en pratique.

Quelles surfaces sont exactement prises en compte dans le calcul loi Carrez ?

La superficie loi Carrez correspond à la surface des planchers des locaux clos et couverts, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d’escalier, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Le critère déterminant réside dans la hauteur sous plafond : seules sont comptabilisées les parties dont la hauteur est supérieure ou égale à 1,80 mètre. Les caves, garages, emplacements de stationnement et lots d’une superficie inférieure à 8 mètres carrés sont expressément exclus du champ d’application de la loi Carrez. Les combles aménagés, mezzanines et vérandas fermées peuvent être inclus s’ils respectent les critères de locaux clos, couverts et d’une hauteur suffisante. La complexité technique de ces critères justifie le recours à un professionnel certifié pour effectuer le mesurage.

Comment se défendre face à une accusation d'erreur de mesurage loi Carrez ?

La défense repose sur plusieurs axes stratégiques complémentaires. Premièrement, il convient de vérifier systématiquement le respect du délai de forclusion d’un an, qui constitue une fin de non-recevoir absolue. Deuxièmement, la contestation de la réalité et de l’amplitude de l’erreur alléguée s’impose, généralement par la sollicitation d’une expertise judiciaire contradictoire permettant de faire vérifier les calculs par un tiers impartial. Troisièmement, même en présence d’une erreur avérée, il faut vérifier que l’écart dépasse effectivement le seuil de 5%, un écart de 4,9% demeurant sans conséquence juridique. Quatrièmement, lorsque l’obligation de résultat ne peut être respectée, la démonstration d’une cause étrangère (refus d’accès à certaines parties, informations erronées du donneur d’ordre) permet une exonération partielle ou totale. Enfin, en cas d’action récursoire du vendeur, l’argumentation relative à l’absence de préjudice indemnisable constitue un moyen de défense particulièrement efficace au regard de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation.

La responsabilité du notaire peut-elle être engagée dans un contentieux loi Carrez ?

Oui, la responsabilité du notaire peut être engagée dans certaines circonstances spécifiques, ce qui constitue un axe de défense important pour le diagnostiqueur dans le cadre d’une stratégie de responsabilités croisées. Le notaire est tenu à un devoir de conseil envers les parties à l’acte de vente. Lorsque le certificat de mesurage présenté comporte des anomalies manifestes, des incohérences ou des réserves importantes, le notaire doit attirer l’attention des parties sur ces éléments et leurs conséquences potentielles. De même, lorsque la nature du bien (configuration atypique, présence de combles, mezzanines) aurait dû alerter le notaire sur le risque d’erreur de mesurage, son silence peut constituer un manquement à son obligation de conseil. Dans plusieurs affaires, la jurisprudence a admis un partage de responsabilité entre le diagnostiqueur et le notaire, voire une condamnation du seul notaire lorsque son défaut de mise en garde était caractérisé. Cette stratégie de mise en cause du notaire nécessite une analyse fine des circonstances de l’espèce et de l’étendue des informations dont disposait ce professionnel.

Quelle est la durée de validité d'un certificat de mesurage loi Carrez ?

Le certificat de mesurage loi Carrez a une durée de validité illimitée tant que le bien n’a subi aucune modification de nature à affecter la superficie privative. Contrairement à d’autres diagnostics immobiliers qui ont une durée de validité limitée (trois ans pour le diagnostic amiante avant-vente, six mois pour le diagnostic termites), le mesurage loi Carrez demeure valable indéfiniment en l’absence de travaux modificatifs. Toutefois, la responsabilité du diagnostiqueur peut être engagée si le bien a fait l’objet de transformations substantielles (abattement de cloisons, aménagement de combles, création de mezzanine, modification de la hauteur sous plafond) et qu’il utilise un ancien certificat sans procéder à un nouveau mesurage. D’un point de vue pratique, lorsqu’un certificat date de plusieurs années, il est recommandé au vendeur de vérifier que le diagnostiqueur qui l’a établi existe toujours et dispose d’une assurance responsabilité civile professionnelle en cours de validité, faute de quoi sa propre responsabilité pourrait être plus facilement engagée.