Diagnostic amiante : Halte au « désamiantage punitif »

Diagnostic Amiante
Avocat Damien Jost diagnostic Amiante

Diagnostic amiante 

 La présence d’amiante détecté par un diagnostic amiante ne suffit pas, à lui seul, à justifier le désamiantage, même s’il y a eu une erreur de diagnostic.
Une erreur de diagnostic amiante (combles non visités) ne peut être sanctionnée par le désamiantage quand il n’existe aucun risque sanitaire pour les occupants de l’immeuble, tel est le sens d’une récente décision de la cour de Cassation (3e chambre civile, 16 décembre 2014, n°13.17-469). Cette prise de position vient tempérer les inquiétudes qu’avait pu faire naître un autre litige (3e chambre civile, 21 mai 2014, n°13.14-891), à propos duquel la cour de Cassation avait considéré – pour la première fois – que l’unique remède à la présence d’amiante, non décelée par le diagnostic amiante, consistait en un désamiantage total aux frais du diagnostiqueur jugé fautif.

Ces décisions, rendues à quelques mois d’intervalle, semblent se contredire, mais en apparence seulement. En réalité, la jurisprudence est cohérente : en cas d’erreur de diagnostic, la sanction ne peut consister en un désamiantage systématique, indépendamment de l’état de conservation des matériaux amiantés et, surtout, de leur localisation dans l’immeuble. Un retour sur chacune de ces deux affaires s’impose afin de mieux comprendre.

Deux affaires, une jurisprudence

Dans la première affaire (21 mai 2014), le diagnostic effectué avant la vente n’avait signalé la présence d’amiante que sur le toit d’un garage. Toutefois, après la vente, des plaques amiantées furent aussi découvertes dans la pièce principale de la maison (murs et plafond), d’une certaine ancienneté.

Au motif que cette présence d’amiante représentait une contrainte d’une particulière lourdeur (précautions techniques, etc.) pour les nouveaux occupants des lieux, l’expert puis les juges ont retenu que l’unique solution, afin de supprimer toute contrainte technique, ne pouvait être que le désamiantage de la maison d’habitation, aux frais de l’opérateur jugé fautif.

Cette décision, certes inédite de la part de la cour de Cassation, a pu surprendre certains observateurs, voire suggérer une sévérité excessive, alors qu’elle ne fait qu’apporter une réponse « circonstancielle » à une situation assez particulière : un acquéreur confronté, peu après la vente, à la présence massive d’amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale, c’est-à-dire dans un espace de vie.

Toutefois, rien dans cette décision n’indique une volonté de modifier fondamentalement la jurisprudence existante. En effet, les juges n’ont nullement affirmé que l’amiante rendait l’immeuble impropre à son usage. Aucune référence non plus à un risque sanitaire immédiat, ce qui aurait eu pour conséquence de justifier le désamiantage massif du parc immobilier antérieur à 1997, option évidemment impraticable.

Ce qui a motivé la décision, c’est la lourdeur et le coût des mesures nécessaires à la protection des occupants des locaux en cas de travaux (« simple bricolage » ou autres), en d’autres termes l’existence d’une contrainte jugée excessive.

Dans l’autre affaire (16 décembre 2014), les juges confirment que la présence d’amiante ne suffit pas, à elle seule, à justifier le désamiantage, quand bien même une erreur de diagnostic aurait été commise.En effet, comme le précise la cour de Cassation, les matériaux amiantés, en bon état de conservation, situés, qui plus est, dans les combles (probablement « perdus ») et les bardages extérieurs, ne font courir aucun danger aux occupants de l’immeuble. Par voie de conséquence, l’erreur de diagnostic ne peut déboucher sur la prise en charge d’un désamiantage inutile et injustifié.

Mais, quelle que soit leur issue, favorable ou pas au diagnostiqueur, ces deux affaires illustrent les risques liés aux parties peu ou pas accessibles, tels les combles (qu’ils soient perdus ou non), lesquels appellent une vigilance accrue lors du diagnostic, pouvant se traduire par une série de réflexes systématiques :

  • Questionnaire préalable adressé au propriétaire ou à son représentant (qu’il est nécessaire d’impliquer autant que possible, comme pour tout diagnostic), sur l’existence de combles et, surtout, l’accès à ceux-ci ;
  • Moyens d’accès et d’éclairage suffisants ;
  • Description minutieuse – photos à l’appui – de cet espace en examinant l’intégralité de la structure visible et accessible (sachant que les experts judiciaires peuvent avoir une conception « souple » de cette notion, considérant parfois – ce fut le cas dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 21 mai 2014 – qu’il est possible de déplacer légèrement la laine de verre), notamment les pignons et la sous-face de la couverture ;
  • Réserves explicites en cas de difficulté ou d’obstacle quelconque (laine de verre, encombrement des lieux, cheminement dangereux), en invitant le propriétaire à solliciter une nouvelle visite des combles, une fois rétablies les conditions normales d’accès, de visibilité et de sécurité.

Dans les combles, une attention particulière doit également être portée aux matériaux « ambigus », c’est-à-dire ceux qui peuvent avoir une apparence non amiantée en raison de leur couleur ou de leur texture trompeuse.

C’est ainsi qu’une tuile de couleur rose – imitation des matériaux anciens – a pu se révéler amiantée, alors qu’aux yeux du diagnostiqueur elle n’évoquait de prime abord qu’un matériau traditionnel, donc dépourvu de toute fibre suspecte.