Construction d’une piscine : responsabilités en cascade

Quel que soit l’auteur du recours, pas toujours aisé cependant de s’y retrouver dans l’écheveau des responsabilités, puisque chaque responsabilité possède ses règles propre.

De la conception à la réalisation d’un bassin, en passant par la conception, la fabrication et la pose des matériaux, les responsables possibles sont multiples.

En cas de sinistre, la tentation est forte d’ « arroser large », en mettant en cause tous les intervenants. Or il est parfois hasardeux de multiplier les mises en cause dans un même procès. Une mise en cause peut en gêner une autre, sauf pour le plaideur minutieux.

Inversement, il se peut que la victime choisisse de ne mettre en cause qu’un seul intervenant, obligeant celui-ci à « appeler en garantie » un autre intervenant, tel l’architecte attaquant un sous-traitant, après avoir été lui-même mis en cause par le client maître d’ouvrage.

Quel que soit l’auteur du recours, pas toujours aisé cependant de s’y retrouver dans l’écheveau des responsabilités, puisque chaque responsabilité possède ses règles propres. Piège fréquent, le non-respect du délai maximum pendant lequel on peut agir contre le responsable, appelé « délai de prescription ».

Quelques exemples nous permettront de s’en convaincre.

Preuve insuffisante

Avec le concours d’un sous-traitant, la société X réalise un bassin, selon un procédé conçu et vendu par la société Y. A la suite de défauts d’étanchéité, dûment constatés par huissier, la société X refuse de payer à la société Y le solde dû à celle-ci. Puis l’entreprise X assigne conjointement la société Y et le sous-traitant.
Erreur fatale semble-t-il. Le recours contre le sous-traitant a compliqué la démonstration de la responsabilité du concepteur (Y), au point d’amener les juges à considérer que la société X devait payer le concepteur du produit, parce que la faute de celui-ci n’était pas prouvée (Cass. civ. 3ème, 25 janvier 2005 : n° de pourvoi 03-18085). Explication.

Pour démontrer la faute de la société Y, il était nécessaire de prouver l’existence d’un défaut du bassin imputable à son concepteur. Pour ce faire, la société X disposait d’un constat d’huissier. Or un tel constat, parce qu’il n’est jamais que le descriptif d’un défaut, non son analyse, ne permet pas de savoir qui est responsable du défaut constaté.

De plus, le fait d’avoir mis également en cause un sous-traitant trahit, selon les juges, une hésitation entre la responsabilité du sous-traitant et celle du fournisseur. Ce qui signifie que l’on peut difficilement affirmer avec certitude que le concepteur est responsable, si l’on plaide dans le même temps que le sous-traitant a lui-même commis une faute. Bref, la responsabilité de l’un jette un doute sur celle de l’autre.

En pratique, il importe donc d’avoir une vision globale du sinistre, afin de définir une stratégie qui ne risque pas de se télescoper, à force de mises en cause tous azimuts.

Il reste bien entendu possible de conjuguer plusieurs mises en cause dans un même procès, à condition cependant de bien situer chaque niveau de responsabilité. Pour ce faire, il faudra être en mesure de prouver précisément la faute commise par chaque intervenant.

Chaîne des responsabilités

Un promoteur fait construire un ensemble immobilier comprenant une piscine. La société X, chargée du lot étanchéité, sous-traite auprès de la société Z une partie de ce lot.

Des défauts d’étanchéité ayant été constatés, l’exploitant de la piscine demande réparation de ses préjudices, notamment auprès du promoteur. Rapidement mise en cause par le promoteur, la société X attaque son sous-traitant.

La société Z réplique que le recours de la société X est tardif, puisqu’il a été exercé plus de 10 ans après la réception de l’ouvrage.

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Selon elle, le sous-traitant est tenu d’une obligation de résultat. Sa responsabilité ne peut donc être décennale, mais doit au contraire rester trentenaire. De plus, le sous-traitant est étranger à la réception de l’ouvrage principal. Cette réception ne peut donc marquer le point de départ du délai pour agir contre le sous-traitant (Cass. civ. 3ème, 26 avril 2006 : n° de pourvoi 05-13254).

Cette décision reste-t-elle d’actualité, depuis la réforme opérée en 2005 ? Selon celle-ci, pour les désordres de nature décennale, l’entrepreneur principal a 10 ans pour agir contre le sous-traitant, délai dont le point de départ se situe à la réception de l’ouvrage (article 2270-1 du Code civil). Règle claire, à tout le moins en apparence…

Il reste encore à la jurisprudence à interpréter ce nouveau texte. Une affaire récente a donné l’occasion à la Cour de cassation de le faire. En l’occurrence, la haute juridiction a retenu qu’à partir du moment où les deux parties (entrepreneur principal et sous-traitant) étaient commerçantes, le délai de prescription de l’action de l’une contre l’autre n’avait commencé à courir qu’à partir du jour où l’entrepreneur principal avait été attaqué par le maître de l’ouvrage (Cass. civ. 3ème, 10 mai 2007 : n° de pourvoi 06-13836, inédit).

Dans ce cas de figure, le point de départ du délai de prescription ne serait donc pas la réception de l’ouvrage principal, mais celle du jour où l’entrepreneur principal est assigné. La réforme de 2005 n’est donc pas aussi radicale qu’elle pourrait le sembler à première vue.

De surcroît, le point de départ du délai de prescription peut être reporté dans le temps, et ce à plusieurs reprises.

Exemple : l’architecte, mis en cause par le maître de l’ouvrage, attaque à son tour l’entrepreneur principal. Cet « appel en garantie » initié par l’architecte a pour conséquence de « remettre à zéro » les compteurs, concernant le délai de prescription de la responsabilité de l’entrepreneur principal ; en clair, l’assignation lancée par l’architecte fait courir un nouveau délai de prescription de 10 ans contre l’entrepreneur principal.

Question : pendant combien de temps l’architecte peut-il attaquer d’autres intervenants (sous-traitant, etc.) ?
Réponse : pendant 10 ans, à compter de l’apparition des désordres ou de leur aggravation (Cass. civ. 3ème, 13 sept. 2006 : n° de pourvoi 05-12018).

Comme toujours en matière de « prescription », il ne suffit pas de connaître la durée de celle-ci. Encore faut-il savoir précisément à quelle date le délai de prescription a commencé à courir, mais aussi déterminer si ce délai n’a pas été interrompu par une cause juridique.

Le professionnel doit donc veiller à ce que son assurance de responsabilité soit d’une durée de validité suffisante pour faire face aux recours tardifs.