Les derniers arrêts marquants

Un enseignement majeur en découle pour le diagnostiqueur : la sécurité du professionnel passe par la clarté de l’information, tant pour dire ce qui a été constaté, que pour dire la manière dont on a constaté.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’heure n’est pas au pessimisme, à tout le moins pour le diagnostiqueur attentif à l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation. Les dernières décisions rendues par l’instance suprême expriment un double souci de nuance et de cohérence. Un enseignement majeur en découle pour le diagnostiqueur : la sécurité du professionnel passe par la clarté de l’information, tant pour dire ce qui a été constaté, que pour dire la manière dont on a constaté. Parallèlement, message destiné au consommateur « spéculatif » : au jeu du « Je n’ai pas compris », on ne gagne pas à tous les coups, loin s’en faut. Illustrations.

Termites (Civ. 3e, 30 janvier 2008 : pourvoi n° 07-10133)

L’état parasitaire, annexé à l’acte de vente, mentionne des dégradations dues aux termites dans l’immeuble vendu, ainsi que la présence d’insectes vivants. Aussi, trouve-t-on dans cet acte une clause spéciale, selon laquelle l’acquéreur déclare avoir connaissance de l’infestation et « en faire son affaire personnelle ».

Décidément prudent ou prévoyant, le notaire a fait rédiger au vendeur une clause manuscrite, où celui-ci déclare « avoir enlevé tous les éléments porteurs de dégradations et traité ». Ayant constaté la présence de termites lors de travaux de rénovation, l’acquéreur obtient une expertise judiciaire, à l’issue de laquelle il demande réparation au vendeur pour « vices cachés ».

Devant le juge de cassation, l’acquéreur se plaint de la mauvaise foi du vendeur, qui lui aurait fait croire que le problème « termite » était définitivement réglé. Refus catégorique du juge : l’état parasitaire positif ne laissait « aucun doute sur l’infestation de la majorité des éléments en bois ». Par conséquent, impossible d’admettre que la présence de termites puisse constituer en soi un « vice caché ».

Sévère leçon de droit pour le consommateur peut-être, mais aussi salutaire avertissement pour tous ceux qui – malgré l’information donnée – tentent de financer tout ou partie des frais de traitement et du coût de réparation des bois dégradés via la mise en cause du diagnostiqueur, au motif que les informations reçues n’étaient pas suffisantes ou pas assez claires. Message aussi aux professionnels du diagnostic : par une infor mation claire, permettant à l’usager « moyen » de comprendre que l’immeuble est le siège d’attaques parasitaires, le technicien sera probablement moins facilement attaquable et, surtout, moins aisément condamnable.

Une difficulté classique subsiste. Dire que l’on a constaté des attaques, voire la présence d’insectes ou de parasites xylophages, est une chose. Donner une idée précise de l’ampleur de l’infestation en est une autre. Comment faire, en pratique, quand le contenu de l’état parasitaire – et sa méthodologie – sont strictement réglementés ? C’est là une question essentielle, puisqu’un grand nombre de mises en cause repose sur un « calibrage » de l’infestation – une appréciation du volume – jugé insuffisant.

Si l’on en croit la Cour de cassation, le diagnostic, même s’il est non exhaustif, conserve sa valeur informative, dès lors que les indications données permettent à l’usager moyen de comprendre qu’un danger existe. Dans notre exemple, le juge a estimé que le diagnostic était suffisamment explicite quant à l’existence d’une infestation généralisée, pour avoir été constatée en plusieurs points (cf. la formulation utilisée par les juges « infestation de la majorité des éléments en bois »). C’est là reconnaître que le diagnostic parasitaire n’est jamais qu’une photographie des indices visibles et accessibles sans destruction.

L’important est semble-t-il d’apporter une information à double niveau, en fournissant des éléments techniques (espèce d’insecte ou de parasite, etc.), mais aussi des précisions sur les dégâts constatés (localisation, aspect des dégradations), de manière à rendre le message efficace. Que l’on ne s’y trompe pas cependant : la sobriété, la concision, seront probablement plus parlantes que la description littéraire.

Lorsqu’il subsiste un doute sur l’existence d’une infestation ou son ampleur, il est également concevable de s’inspirer de la prudence notariale (telle qu’elle est illustrée par l’exemple choisi), en insérant dans l’état parasitaire un avertissement formel par lequel les parties seront avisées : d’une part, que les sondages autorisés par la réglementation ne permettent pas de garantir l’absence de parasites xylophages et, a fortiori, de mesurer l’importance de l’infestation ; d’autre part, qu’il leur appartient de mettre en œuvre des sondages destructifs, si elles souhaitent se garantir contre la présence de parasites xylophages ou évaluer précisément l’ampleur de l’infestation et ses conséquences.

Vrillettes et capricornes (Civ. 3e, 10 mai 2007 : pourvoi n°05-21290)

Une promesse de vente est signée au vu d’un état parasitaire établissant la présence de vrillettes et de capricornes. Les parties ont ainsi jugé utile d’insérer une condition suspensive prévoyant qu’un nouvel état parasitaire devra être réalisé pour établir l’absence de termite. Ultérieurement, comme le prévoyait la promesse, le diagnostiqueur délivre une attestation certifiant que l’immeuble n’est pas infesté de termites. L’acte de vente ne se réfère qu’à cette attestation, sans rappeler le contenu du premier diagnostic.

A la suite de l’effondrement d’un plafond, l’acquéreur (une SCI substituée aux acquéreurs d’origine) assigne le vendeur, mais aussi le notaire et le diagnostiqueur. La Cour de cassation refuse de donner raison à l’acquéreur, estimant que les dommages sont la conséquence de l’infestation mentionnée dans la promesse. Dès lors, l’acquéreur ne saurait chercher à exploiter l’attestation relative aux seuls termites, pour tenter d’obtenir la condamnation du diagnostiqueur. Précision appréciable, la Cour de cassation estime qu’est indifférente la question de l’ampleur des dégradations, à partir du moment où l’acquéreur a signé la promesse en toute connaissance de cause, obtenant une répartition des frais de traitement et une minoration du prix de vente.

De surcroît, est ici balayée la théorie selon laquelle telle espèce d’insecte serait plus dangereuse que telle autre. S’il existe certes des différences biologiques entre elles, comment admettre que l’acquéreur profane se dise inquiet de découvrir la présence de termites, quand vrillettes et capricornes lui semblent « inoffensifs » ?

Si cette décision est évidemment favorable, ne serait-ce que parce qu’elle fait primer la qualité sur la quantité (peu importe la mesure de l’infestation, ce qui compte c’est le message donné via le diagnostic), elle souligne les dangers qui s’attachent aux diagnostics successifs, lesquels peuvent entraîner une rupture dans la chaîne de l’information. En effet, il est fréquent que le diagnostic le plus récent ne fasse pas référence à ceux qui l’ont précédé, alors que les uns et les autres n’ont pas nécessairement le même contenu.

Malicieusement, l’acquéreur a ici tenté « d’accrocher » le diagnostiqueur, en critiquant l’imprécision de l’attestation, oubliant que celle-ci faisait suite à un état parasitaire parfaitement clair sur l’infestation de l’immeuble. Apparemment, cette manœuvre a été facilitée car l’acte notarié ne se référait qu’à la seule attestation, en faisant abstraction du précédent état parasitaire. Pour éviter cette situation, il paraît nécessaire de veiller à ce que l’état parasitaire le plus récent mentionne l’existence du diagnostic l’ayant précédé, pour autant que les deux documents émanent du même opérateur. Il paraît même judicieux d’insérer un avertissement rappelant que le document le plus récent ne dispense pas de la consultation d’éventuels diagnostics antérieurs.

Cette remarque vaut particulièrement lorsque les résultats des diagnostics successifs sont apparemment contradictoires. En pareille situation, il s’avère extrêmement périlleux de laisser croire à l’usager que le diagnostic le plus récent prime sur le plus ancien (Cour d’appel de Bordeaux, 30 avril 2007 : Juris-Data n°2007-351470).

Amiante (Civ. 3e, 5 déc. 2007 : pourvoi n°06-15332)

Un immeuble est vendu au vu d’un constat-vente négatif. Ultérieurement, sans doute à la demande du nouveau propriétaire, le diagnostiqueur établit la présence de plaques de fibrociment dans les murs de plusieurs pièces.

Ce dernier voit sa responsabilité retenue, les juges estimant qu’il aurait dû, soit approfondir les sondages, soit préciser dans son rapport que « ses conclusions étaient incomplètes et appeler ainsi l’attention des parties » (dixit la Cour d’appel). Ici encore, le juge estime que la clarté de l’information concerne tant ce qui a pu être constaté, que la manière dont on a constaté, y compris les limites de l’inspection. Il invite le professionnel à signaler aux parties que le diagnostic a été réalisé sans sondage destructif, de manière à « appeler leur attention » sur le caractère « incomplet » (lire non exhaustif). Le juge permet peut-être ainsi à l’opérateur de conserver la maîtrise de sa responsabilité, en l’invitant à stipuler un avertissement destiné à rappeler que le constat-vente connaît des limites, puisque réalisé sans sondage destructif.

La Cour de cassation reconnaît là que l’on ne peut mettre à la charge du diagnostiqueur une obligation de résultat stricto sensu, comme pourraient le laisser croire certains commentaires. Devant la recrudescence de mises en cause sur le thème des « investigations insuffisantes » (sondages, etc.), il semblerait bon que le professionnel se protège en ajoutant un paragraphe d’avertissement, relatif au mode opératoire du diagnostic réalisé. Mieux que la seule référence aux textes applicables, le rapport de repérage pourrait rappeler, en quelques termes, que dans le cadre d’un constat-vente :

  • l’inspection est fondée d’abord sur l’observation visuelle.
  • les sondages non destructifs – seuls autorisés dans la plupart des cas – et prélèvements permettent de « tester » l’immeuble, mais seulement de manière aléatoire.
  • seuls des sondages destructifs peuvent donner une garantie absolue en termes d’absence d’amiante.
  • il appartient aux parties intéressées de faire réaliser des sondages destructifs ou des démontages d’ouvrages pour déterminer exactement la composition des matériaux de construction.
Loi Carrez (Civ. 1re, 30 octobre 2007 : pourvoi n°06-16300)

A l’issue d’une vente conclue au vu d’un certificat loi Carrez, l’acquéreur fait réaliser un nouveau mesurage faisant apparaître une superficie privative moindre. L’acquéreur assigne le vendeur en réduction du prix et met également en cause le notaire, pour « perte d’une chance d’éviter un contentieux » (sic), exigeant de la part de ce professionnel des dommages et intérêts englobant le montant de la réduction du prix et les frais du procès.

La Cour de cassation confirme que le notaire (ce qui inclut a priori un autre professionnel), même fautif, ne saurait assumer la diminution du prix puisque celle-ci, et la restitution qui en est la conséquence, ne concerne que celui qui a perçu le prix, à savoir le vendeur et non un tiers.

C’est là d’abord une confirmation de la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette décision donne peut-être aussi l’occasion à la cour de critiquer implicitement la tendance consistant à faire supporter la restitution du prix au professionnel fautif, grâce à l’argument de la « perte de chance », c’est-à-dire le fait pour le vendeur de n’avoir pu vendre au prix initialement convenu.

Le vendeur soutient en effet souvent que le prix n’aurait pas été fixé en fonction de la surface, et qu’il aurait donc pu le conserver intégralement, si l’erreur de mesurage n’avait permis à l’acquéreur d’obtenir une réduction. Il est pourtant difficile d’admettre que le prix n’ait pas été fixé en fonction d’une surface précise, dans un marché aussi spéculatif que celui de l’immobilier. Tel est d’ailleurs le principe sur lequel repose la loi Carrez elle-même.

Il est donc cohérent que la Cour de cassation refuse de voir dans le remboursement proportionnel du prix un « préjudice indemnisable », car cette restitution n’entraîne aucun appauvrissement économique du vendeur jusqu’à preuve du contraire.