L’ordre de mission, une assurance gratuite !

La plupart des contentieux portent sur l’accessibilité du bâtiment le jour du diagnostic. Entre autres atouts, l’ordre de mission permet d’éviter ces litiges.

Même s’il est prescrit de façon explicite par certaines normes (amiante et termites), l’ordre de mission reste absent de nombreux diagnostics. D’avis d’experts, le diagnostiqueur a cependant tort d’en faire l’économie, tant cet ordre de mission peut se révéler précieux, en cas de contentieux.

Fort utile, mais peu utilisé. Damien Jost, avocat qui connaît bien la profession, dit encore relever de trop nombreux dossiers de contentieux dépourvus d’ordre de mission. Une proportion qui tend singulièrement à enfler lorsque le client est un particulier. Faute de temps, craignant une overdose de paperasserie, peur de gêner (pour ne pas dire contrarier) un prescripteur notaire ou un agent immobilier versatile, le diagnostiqueur immobilier peut y rechigner. Après tout, tant qu’il n’y a pas de conflit, l’absence de contrat de mission ne se révèle pas gênante.

Il ne s’agit ni d’un devis, ni d’un bon de commande…

D’ailleurs, même lorsque ce contrat de mission existe bel et bien, celui-ci n’est pas toujours rédigé en bonne et due forme : « Dans la plupart des contentieux, je ne trouve pas de contrat de mission, observe Pascal Martinet, expert judiciaire. Et lorsque j’ai un document, il ressemble bien souvent à un devis. » Même constat pour Me Jost qui relève nombre de pseudos contrats de mission aux allures de « bons de commande ». Où le diagnostiqueur cherche d’abord à s’entourer de précautions à l’encontre des mauvais payeurs, à grands renforts de conditions générales de vente. Pour Damien Jost, là n’est pas la nature originelle de l’ordre de mission. Même si ce document, dans le cadre d’un recouvrement demeure fort utile, sa vocation première n’est pas là.

… mais d’un élément de preuve en cas de contentieux

 « Il s’agit d’un élément ment de preuve extrêmement utile », explique Maître Jost. Exemple concret ? « Dans beaucoup de dossiers, le contentieux porte sur des parties hautes ou basses, des combles ou vides sanitaires, non inspectés par l’opérateur. On se retrouve alors quelques années après la mission sans que l’opérateur ne se souvienne forcément des conditions d’accessibilité des combles ou vides sanitaires.

Un ordre de mission dûment établi, avec un descriptif du bien, permet de répondre à la double question sur l’existence et l’accessibilité de ces parties du bien. L’ordre de mission permet ainsi de définir le champ de la mission et son périmètre.

Certes, l’ordre de mission n’est pas une recette miracle qui va exonérer à coup sûr le diagnostiqueur. Trop simple. Mais, aux yeux des professionnels de justice, sa valeur est loin d’être anodine. Damien Jost confie son expérience en la matière : « Sur un contentieux, l’une des premières questions posées par les experts judiciaires porte toujours sur l’existence ou non d’un ordre de mission. » Bien sûr, le diagnostiqueur ne sera pas forcément condamné parce qu’il ne peut témoigner d’un ordre de mission ; mais son absence peut toutefois créer un préjugé chez les experts qui aussi impartiaux soient-ils, n’en restent pas moins humains. « Cela vient fragiliser la défense de l’opérateur », reconnaît volontiers l’avocat.

Attention, toute exclusion n’est pas forcément recevable

Ce n’est pas parce qu’on a inscrit une exclusion dans le contrat de mission, que celle-ci sera automatiquement recevable. Exemple, avec les hauteurs supérieures à 3 mètres. Dans un bâtiment avec des plafonds hauts perchés à quatre, cinq, six mètre, voire au-delà, l’opérateur peut considérer qu’au-delà de 3 mètres, il n’a pas à contrôler. Pour Pascal Martinet, cette exclusion est dangereuse : « En fait, au-delà de trois mètres, le code du Travail réclame un équipement particulier de type échafaudage, plate-forme roulante, etc. L’échelle n’est alors qu’un moyen d’accéder au poste de travail. Clairement, si le diagnostiqueur n’a pas défini préalablement les conditions d’accès et la mise des moyens nécessaires, l’exclusion des éléments situés à plus de trois mètres du sol, ne tient pas.» Question de bon sens : le donneur d’ordres peut toujours affirmer qu’il aurait mis en place les moyens d’accès nécessaires, si le diagnostiqueur l’avait informé au prélable.

Une dizaine de questions bien ciblées suffisent

Un ordre de mission, oui, mais pas pour y mettre n’importe quoi. Aucune trame officielle, aucun modèle, à chacun de concocter son propre ordre de mission. En évitant de produire des pages et des pages de littérature. « Il ne faut pas que ça devienne contraignant, note l’avocat. Il faut trouver un juste milieu : une dizaine de questions bien ciblées au grand maximum peuvent suffire.»

Première utilité du contrat de mission, définir les conditions d’intervention de l’opérateur et le périmètre de la mission. En particulier sur les parties accessibles lors de la visite. « Fondamental », relève Pascal Martinet, « car la plupart des contentieux portent sur l’état d’accessibilité. » L’ordre de mission est une manière de rappeler au donneur d’ordres qu’il lui appartient de créer les conditions d’accessibilité à tout ou partie du bâtiment. Qu’il s’agisse de débarrasser une pièce encombrée ou de fournir des clés, par exemple. Au moins, il ne pourra être reproché au diagnostiqueur de ne pas avoir alerté, en amont, le propriétaire : lequel aurait dû faciliter l’accès à tout ou partie du bâtiment. Parmi les autres éléments à mentionner, Me Jost fournit encore quelques pistes : l’accessibilité aux documents techniques (plans, règlements de copropriété, etc.), l’existence de travaux par le passé, ou d’une mutation antérieure avec éventuellement des diagnostics déjà réalisés par le passé…

« Ce document permet d’impliquer le vendeur en termes de déclaratif et peut ainsi devenir un élément de protection pour le diagnostiqueur», précise Me Jost. Illustration au travers de la simple question sur l’existence d’un traitement curatif contre les xylophages par le passé. La question non seulement peut guider l’opérateur dans la réalisation de sa mission, mais place aussi le vendeur devant sa responsabilité. Mal rédigé, le contrat de mission peut toutefois se retourner contre l’opérateur. Armé des meilleures intentions, le diagnostiqueur en dit parfois trop ou se montre maladroit. « Il ne faut pas se donner plus d’obligations que n’en comportent les textes. La meilleure assurance, c’est d’avoir un contrat de mission correctement rédigé qui reprenne les termes normatifs sans aller au-delà », souligne Pascal Martinet (lire l’encadré ci-contre). En particulier les termes des normes termites NF P 03-201 et amiante NF X 46-020 où le contrat de mission apparaît écrit noir sur blanc.

Avec plusieurs centaines d’expertises au compteur, l’expert se souvient de formules malheureuses à proscrire : comme « un repérage a minima des matériaux de l’annexe 13-9 » : « l’expression a minima ne fixe pas limite au contractuel. » Autre exemple rencontré, dans le cas des termites, avec une délimitation approximative de la zone autour du bâtiment. Pascal Martinet évoque des notions floues comme « les abords immédiats du bâtiment », « une zone minimale de 10 mètres », « environ 10 mètres du bâtiment »« Il faut s’en tenir à la norme qui précise une zone de 10 mètres, dans la limite de propriété, autour de l’emprise du bâti, c’est-à-dire, de tous les éléments bâtis, y compris les piscines, les terrasses, etc. »

Citez la norme, rien que la norme

L’expert le répète, s’en tenir aux normes, et se garder d’aller au-delà. Illustration avec les termites où le diagnostiqueur est tenu d’utiliser lampe, poinçon et loupe. Rien de plus selon la NF P 03-201. Inutile donc d’indiquer si le diagnostiqueur va recourir à des moyens de détection électroniques. « En indiquant ces moyens supplémentaires dans le contrat de mission, vous ouvrez le champ de l’obligation de résultats. Mieux vaut s’en tenir aux moyens normatifs. » Pascal Martinet prend le cas de termites entre un mur et une plaque de plâtre. « Avec les moyens classiques, lampe, poinçon et loupe, leur trace n’est pas détectable. En revanche, avec les moyens électroniques, il devient possible de les détecter : si le contrat de mission a précisé le recours à des moyens électroniques, alors il peut être reproché au diagnostiqueur d’être passé à côté de cette contamination.»