DPE, Les réflexes de prudence à connaître

La mise en place d’un nouveau diagnostic, si elle tend à renforcer la protection de l’acquéreur, ouvre également des perspectives en termes de mise en cause du technicien. L’effort de formation doit donc s’appliquer à la méthodologie, mais aussi s’attacher à prévenir la critique. Le bilan du contentieux relatif aux autres diagnostics permet de se faire une idée de ce que pourraient être les angles d’attaque, voire les futures « sources de chaleur » du DPE. La jurisprudence montre que la responsabilité se joue à deux moments clés : préparation et rédaction du diagnostic.

Collecte des informations

Pour qualifier la performance énergétique du bien, en termes de consommation annuelle d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre, le diagnostiqueur va devoir recueillir des données multiples sur l’immeuble. Une check list paraît souhaitable, qui comprendra un maximum de renseignements sur l’historique de l’immeuble (permis de construire, titre de propriété, travaux effectués, etc.).

Cette collecte implique la coopération loyale du client, dont l’intérêt, en tant que vendeur, coïncide rarement avec celui de l’acquéreur ou celui du diagnostiqueur. Pour reprendre une formule de Julien Dézécot, « le diagnostiqueur va devoir impliquer son client » (Dimag n°10), ce qui devrait constituer un principe général en matière de diagnostic, afin d’éviter un transfert de responsabilité vers le professionnel.

Face au vendeur amnésique ou silencieux, le professionnel devra savoir faire preuve de pédagogie et de persuasion, puisque la réticence du client n’est pas un argument en défense, mais plutôt, hélas, une circonstance aggravante. Les données non communiquées appellent nécessairement des réserves, bien que celles-ci ne constituent pas la panacée et doivent être maniées avec discernement, tant une réserve maladroite ou imprécise peut s’avérer redoutable pour son auteur.

Paradoxalement, le devoir de conseil du professionnel augmente en fonction du champ de l’inconnu. Aussi l’absence de données implique- t-elle à tout le moins une mise en garde, surtout lorsque le client est lui-même absent. Tenu de se prononcer en fonction d’une échelle de performance, le prestataire doit aussi avoir présente à l’esprit une échelle de risques de mise en cause. Ce risque est perceptible lorsqu’il existe des indices de manque de coopération, objectifs (manque ou absence d’informations) ou subjectifs (comportement du vendeur).

Analyse des informations recueillies

Les données collectées en amont vont permettre au diagnostiqueur de préparer son contrôle in situ. Le regard du technicien, préalablement objectivé, aura peut-être ainsi une acuité accrue, malgré les contingences inhérentes à toute visite dans un immeuble habité.

Le technicien devra vérifier la pertinence des informations communiquées par le vendeur, ou son mandataire, ce qui permettra de mesurer le degré de fiabilité de ces données. A cette fin, la surface habitable – donnée essentielle – pourrait être vérifiée par le technicien, sans s’en tenir aux éléments ayant pu être recueillis par ailleurs, les distorsions (volontaires ou non) n’étant pas rares en matière de superficie.

Comme l’a relevé Bernard Sesolis (Dimag n°10), « le diagnostiqueur va devoir être très observateur », principe qui, au demeurant, déborde largement les limites du DPE, et s’applique de la même façon au diagnostic termites ou au repérage amiante.

S’il n’a pas à se transformer en détective, ni en déménageur d’un jour, le diagnostiqueur devra observer et contrôler les éléments visibles et accessibles, en s’interrogeant sur la cohérence des résultats obtenus, pour, peut-être, déceler d’éventuelles anomalies.

L’esprit critique du diagnostiqueur devra donc primer sur les résultats proposés par le logiciel, lequel n’encourt aucune responsabilité civile. Cette réalité juridique prend tout son sens dans un domaine éminemment technique, où le prestataire est nécessairement confronté à un moment ou un autre à ses propres limites. Ni le fait d’utiliser un logiciel, ni celui de ne pas être spécialiste de toutes les questions techniques intéressant le DPE, ne peuvent atténuer la responsabilité du diagnostiqueur. Par prudence, celui-ci devra donc interroger (son client ou mandataire), et s’interroger, avant de se prononcer, quitte à insérer une réserve si un doute subsiste.

La difficulté majeure du DPE tient sans doute au fait que le professionnel sera fréquemment dans l’impossibilité d’avoir un historique complet de l’immeuble. S’il est alors possible de procéder à des estimations, il est impératif que celles-ci apparaissent comme telles, et non comme de véritables résultats garantis par leur auteur. Si l’auteur d’un DPE ne saurait être tenu d’une obligation de résultat, encore faut-il que les termes employés soient sans équivoque à cet égard. La rédaction du diagnostic apparaît ainsi comme l’autre mode de prévention de la mise en cause.

Objet de la mission

Face à un contrôle nouveau, qui comporte par hypothèse une part d’inconnu, une précaution élémentaire consiste à rappeler exactement l’objet de la mission confiée au diagnostiqueur, et ce en s’éloignant autant que possible du jargon technique, pour privilégier des termes clairs et sans équivoque. A coup sûr, une rédaction imprécise, ou simplement incompréhensible pour le profane, conduira certains esprits imaginatifs à voir dans le DPE une expertise thermique complète, voire un véritable contrôle technique.

A cet égard, le rappel des textes en vertu desquels a été instauré le DPE, s’il est indispensable, ne saurait suffire à empêcher extrapolation et méprise. Idéalement, il faudrait pouvoir expliquer d’un mot (d’une phrase) le champ d’investigation couvert par le DPE, tout en stipulant que celui-ci n’a pas vocation à être étendu à l’infini à d’autres types de recherche, voire à la pathologie tout entière de l’immeuble.

La prévention du risque de mise en cause pourrait donc consister à faire signer au client ou à son mandataire un ordre de mission précisant l’objet, les modalités et les limites de celle-ci, mais aussi les obligations de chacun, afin que le client comprenne que les résultats du diagnostic sont directement fonction de sa coopération (précaution d’application générale au demeurant).

Conclusions et recommandations

En obligeant le diagnostiqueur à émettre des recommandations, le législateur accroît considérablement la responsabilité du professionnel. Par-delà la pertinence des préconisations, que nous supposerons acquise, il faudra apporter un soin tout particulier à la forme. Une formulation imprécise ou ambiguë risque fort de se retourner contre son auteur, d’où la nécessité de bannir des clauses types, ce qui, a priori, paraît aller à l’encontre de l’usage du logiciel, aussi performant soit-il. Un compromis raisonnable consisterait à compléter les résultats issus du logiciel d’une ou plusieurs mentions laissées à l’appréciation du diagnostiqueur. Le devoir de conseil ne saurait être envisagé de manière systématique. Force doit rester à la plume du rédacteur, pour préciser au cas par cas les points potentiels d’amélioration, mais aussi les limites des préconisations émises, lesquelles ne sauraient se substituer à une étude complète.

Il est essentiel que l’usager saisisse qu’une préconisation n’est ni une expertise, ni un devis. A titre d’exemple, si le diagnostiqueur est amené à préconiser des mesures d’isolation, il serait prudent de préciser qu’une telle proposition ne préjuge pas de la nature des travaux nécessaires, ni de leur coût, et de rappeler au client qu’il lui appartient d’approfondir la question à l’aide d’un spécialiste ad hoc. Conclusions et préconisations devraient donc figurer en clair, dans un paragraphe unique, et non sous forme de tableau ou de manière dispersée, sauf à prendre le risque de voir le client prétendre qu’il n’a pas saisi, ni même vu, les informations qui lui ont été communiquées.

Réserves

Deux séries de réserves trouveront toute leur utilité en matière de DPE. Les premières, classiques, ont trait à toutes les zones d’ombre, lesquelles doivent paradoxalement être mises en lumière, sauf à être qualifiées de lacunes le moment venu et, partant, à se retourner contre leur auteur. Les secondes découlent de l’originalité du DPE, en ce qu’il est aussi un acte de prévision et de conseil énonçant des solutions. Les préconisations devront comporter un champ d’application très précis :

  1. dans l’espace, elles devront être directement et exclusivement reliées aux faits observés, ce qu’il faudra nécessairement indiquer, sauf à faire du diagnostiqueur un prescripteur de solutions thermiques ou énergétiques, voire un voyant extralucide,
  2. dans le temps, elles devront stipuler qu’elles ne valent qu’au vu de la situation constatée lors du contrôle, toute modification de la configuration impliquant un nouvel examen.
Lexique

En matière de DPE, plus qu’ailleurs semble-t-il, la bonne compréhension des termes utilisés représente un enjeu, tant en termes d’image que de prévention du risque de mise en cause. Le contentieux relatif aux autres diagnostics montre combien des termes non expliqués (« trace d’insecte », « fibrociment »…) peuvent être lourds de conséquences, devenant de vraies bouteilles à l’encre entre des mains malicieuses. Un soin particulier devra donc guider l’élaboration du lexique accompagnant le DPE.